Virginia Hall, une espionne dans la guerre Jeunes années et premières aptitudes Virginia Hall est issue d’une famille aisée de Baltimore, grande ville de l’état du Maryland, sur la côte Est des Etats-Unis. Son père, Edwin Lee Hall fait partie de l’élite bourgeoise de la cité, prospérant à la tête de diverses sociétés dans les domaines de la finance, de l’ameublement, des matériaux de construction et même du spectacle. Il a épousé en 1900 son ancienne secrétaire, Barbara Virginia Hammel et ils ont eu 2 enfants, John et Virginia qui est née le 6 avril 1906 et que ses proches surnomment « Dindy ». Ses jeunes années, elle les passe entre la ville et la campagne dans la ferme familiale à une quarantaine de kilomètre de Baltimore au milieu des animaux de basse-cour qu’elle affectionne. Sa scolarité est exemplaire et elle se passionne pour les langues, l’allemand et le français. Sa grande taille, son caractère bien trempé et ses qualités sportives façonnent un tempérament de leader. Avec les animaux et le sport, le théâtre est sa troisième passion. L’art du jeu de rôle sera pour longtemps un de ses talents secrets. Lors de sa dernière année scolaire, en 1924, à l’âge de 18 ans, sa personnalité s’affirme, son goût pour l’aventure, ses aptitudes journalistique également : elle est rédactrice en chef de la revue de sa promotion. Formation universitaire Virginia Hall entame ses études universitaires en 1924 sur la côte Est à Boston puis New York. Sa passion pour les langues étrangères et notamment le français et son intérêt pour les relations internationales lui font envisager une carrière diplomatique. Bien sûr, elle ne sait pas encore en cette année 1925 qu’elle devra au cours de sa vie changer d’identité, employer des noms de code, vivre en clandestine dans une Europe dévastée. Elle arrive à convaincre ses parents de la laisser poursuivre ses études en Europe et bien sûr à Paris, ville rêvée pour cette francophile précoce. Elle y arrive en 1926 et découvre la capitale française dans ces années folles, mélange d’insouciance et de spéculation. Elle suit des cours de diplomatie et fréquente plusieurs universités à travers l’hexagone (Strasbourg, Grenoble et Toulouse). Elle parle désormais couramment le français et apprend à circuler en train dans ce pays qu’elle affectionne. En 1927, elle est en Autriche, à l’université de sciences politiques et de relations internationales de Vienne. Elle accroît ses compétences en diplomatie, économie politique, journalisme et langues étrangères. Cinq langues étrangères lui sont désormais familières (le français, le russe, l’allemand, l’italien et l’espagnol). En juillet 1929, son diplôme en poche, elle rentre aux Etats-Unis. A 23 ans, elle se sent prête à postuler à une carrière dans la diplomatie et à retourner dés que possible vivre en Europe. Mais la crise économique de 1929 vient assombrir ses rêves. Les sociétés de son père sont au bord de la faillite au début des années trente et la fortune familiale fond à vue d’œil. Le 22 janvier 1931, Edwin Lee Hall, sans doute très stressé et tourmenté, décède à 59 ans, en pleine rue, à la sortie de son bureau, foudroyé par une crise cardiaque. Il laisse un héritage en miette et une famille en pleurs. Virginia perd un père attentionné qui a toujours soutenu ses projets d’indépendance. Ce décès prématuré sera l’une de ses blessures jamais totalement refermée. La famille se serre les coudes, se réfugie à la campagne et tout le monde travaille à la ferme familiale où il est plus facile de subsister. Cependant Virginia sait que son avenir n’est pas ici. L’accident Le 29 juin 1931, le destin lui sourit. Elle reçoit une lettre du Département d’Etat qui lui propose, suite à sa candidature, un poste de secrétaire à l’ambassade américaine de Varsovie. A défaut d’avoir été acceptée aux examens d’entrée du corps diplomatique (encore réticent à accepter des femmes), cette opportunité suffit amplement à son bonheur. C’est sa première victoire. Lorsque le 29 juillet 1931, elle embarque à destination de l’Europe à bord d’un transatlantique, elle vogue pour écrire son histoire, laissant derrière elle son enfance et sa vie d’étudiante insouciante. Sa prise de fonctions à l’ambassade américaine est effective le 10 août 1931. Varsovie est une ville bouillante où se mélange bourgeois catholiques, marchands allemands et ukrainiens, émigrés russes et juifs de toutes origines. Le pays est une démocratie balbutiante née en 1919 du traité de Versailles et dirigée par un vieux maréchal, Josef Pilsudski, qui sent déjà poindre les dangers qui menacent son pays : l’ascension du parti nazi en Allemagne et les pressions communistes en provenance d’U.R.S.S. Virginia s’initie à ses nouvelles fonctions de secrétaire en s’occupant des sujets moins politique : courriers, visas, télégrammes à coder et à décoder, dossiers et rapports rythment son quotidien. Appliquée, elle est très appréciée de ses supérieurs. En mars 1933, elle est mutée au consulat d’Izmir en Turquie. Elle accepte sans regrets cette nouvelle affectation aux portes de la méditerranée, plus exotique. Elle y prend ses fonctions en avril. Izmir est surtout une ville commerciale. C’est le deuxième port de Turquie. Dés lors l’activité du consulat américain est surtout consacrée aux affaires économiques des sociétés américaines implantées dans la région. Le travail de Virginia hall est moins harassant qu’à Varsovie. Ainsi elle peut découvrir à loisir cette région entre mer et montagne, les vestiges archéologiques et apprécier la douceur du climat propice aux activités de plein air. C’est le 8 décembre 1933 que le drame survient. Virginia part avec plusieurs amis pour une partie de chasse. Elle parcourt les sentiers, son fusil chargé en bandoulière, canon vers le bas quand soudain son pied dérape. Elle est déséquilibrée, son fusil glisse de son épaule, elle tente de le rattraper et appuie par mégarde sur la détente. La balle déchiquette son pied gauche. Elle ne le sait pas encore mais ce stupide accident de chasse vient de changer à tout jamais le cours de son existence. Si les premiers soins prodigués à l’hôpital d’Izmir semblent suffirent, la situation s’aggrave fin décembre car la gangrène survient et ses jours sont en danger. Le 24 décembre, elle est amputée juste au dessous du genou. Vous imaginez sans peine la douleur psychologique et physique de sa convalescence dans cet hôpital qui ne présente pas toutes les garanties d’hygiène et où une septicémie enrayée de justesse manque de lui être fatale quelques jours après son opération. Elle est transférée à l’hôpital américain d’Istanbul mais elle se sent seule dans ce pays étranger loin de sa mère bouleversée devant ce second malheur après le décès de son époux. En mai 1934, elle peut enfin partir se reposer aux Etats-Unis et ainsi bénéficier d’un meilleur suivi médical. Elle y subit une nouvelle opération et est dotée d’une prothèse plus adaptée à son handicap. Sa vie professionnelle est mise entre parenthèse pour une période indéfinie. Virginia apprend progressivement à vivre avec sa prothèse. A force de patience, de persévérance et de rééducation, elle est totalement remise en fin d’année 1934 et décide de reprendre son travail. En décembre, elle est affectée sur un nouveau poste à Venise. Voies sans issue Venise est bien sûr une ville majestueuse mais le travail n’a rien de palpitant. Le consulat américain s’occupe surtout des touristes de passage. Virginia Hall est surtout heureuse de travailler enfin après une terrible année de souffrances. Les mois s’écoulent doucement. Le climat international s’assombrit, une vague d’émigrants fuit l’Allemagne nazie vers les Etats-Unis, les troupes italiennes partent conquérir l’Ethiopie. En mars 1936, Virginia est en vacance à Paris où elle assiste à l’avènement du front populaire, puis en Allemagne, pays exalté et hypnotisé par cette fièvre pronazie au moment où Hitler s’apprête à réoccuper militairement la Rhénanie. Elle sent bien que ces bruits de bottes de moins en moins discrets, risquent de secouer l’Europe. Après 5 ans de travail de secrétaire à différents poste, Virginia ne songe toujours qu’à une chose, devenir diplomate. Son ancienneté lui permet d’être exemptée des épreuves écrites aux examens d’entrée dans le corps diplomatique. Elle n’aura qu’à se présenter aux oraux qui doivent se tenir en fin d’année à Washington. Mais son dossier d’inscription est refusé au motif suivant : « L’amputation d’une quelconque partie d’un membre est un motif de rejet au regard du règlement fixant les conditions physiques d’entrée. » Virginia Hall tombe des nues, elle est écœurée et humiliée devant cette discrimination flagrante. N’a-t-elle pas toujours travaillé avec zèle malgré son handicap, et même assuré à Venise des tâches dévolues au vice-consul qui est, lui, un diplomate de carrière ? Sa formation universitaire aux affaires internationales, sa connaissance des pays européens et ses aptitudes linguistiques ne comptent apparemment pas. Son rêve s’effondre. Venise lui semble désormais être une prison et le consulat une tombe. Elle décide de prendre 2 mois de congés et de repartir aux Etats-Unis. Arrivée à Washington, elle tente différents recours pour faire revenir l’administration sur sa décision, y comprit auprès du président Roosevelt mais en vain. Elle ne sera jamais diplomate. En mars 1937, dépitée, elle retourne à Venise dans l’attente d’une autre affectation. Celle-ci lui est signifiée assez sèchement par un télégramme en mai 1938. Il s’agira de Tallin en Estonie. Cela ressemble fort à une sanction comme si l’administration ne lui pardonnait pas d’avoir tout tenté pour contourner les règles établies. Avant de rejoindre Tallin, Virginia Hall passe quelques jours à Paris. L’insouciante atmosphère parisienne contraste avec la tension qui monte partout en Europe : guerre civile en Espagne, annexion de l’Autiche par l’Allemagne, menaces sur la Tchécoslovaquie, alliance militaire entre Hitler et Mussolini, construction de la ligne Siegfried. Elle prend ses fonctions à Tallin en Estonie au moment où le pays se dote d’une constitution autoritaire. Après l’Italie fasciste, Virginia n’est pas dépaysée par cette option politique. Depuis son premier poste à Varsovie en 1931, elle n’a cessé de voir monter les menaces totalitaires en Europe. Elle, admiratrice du libéralisme et de Roosevelt, est profondément attachée aux valeurs de la démocratie. Elle a en horreur tout ce qui peut restreindre la liberté de penser et d’agir. Après 6 mois d’un travail routinier qu’elle supporte de moins en moins, Virginia décide de démissionner du service des affaires étrangères et de chercher une autre voie. Elle quitte officiellement son travail en mai 1939. Ambulancière dans la débâcle Une page de sa vie s’est définitivement tournée. Au matin du 1er septembre 1939, les troupes allemandes attaquent la Pologne et le 3 septembre, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne. L’Europe plonge dans la guerre. Virginia est révoltée par l’écrasement de la Pologne et son partage entre l’Allemagne et l’U.R.S.S., son allié de circonstance. Elle doit quitter l’Estonie au plus vite sous peine de ne plus pouvoir quitter cette enclave encerclée. Elle part pour Londres car elle veut s’engager dans les armées alliées pour combattre le nazisme. Elle a décidé de rejoindre l’Auxiliary Territorial Service, une branche militaire où les femmes sont admises. Que ce soit à cause de sa nationalité américaine ou de son handicap, on lui refuse l’entrée dans cette unité. Qu’à cela ne tienne, elle rejoint Paris en janvier 1940. Point de combats ni d’ennemis visibles, c’est la « drôle de guerre » dans un pays qui se croît à l’abri derrière la ligne Maginot. Virginia partage l’attente et l’angoisse des parisiens, elle vit d’une activité de reporter pour des journaux américains. En février, elle s’engage au sein du service de santé des armées, un des rares corps militaires ouvert aux femmes. Elle n’a pas de compétences médicales mais son permis de conduire lui permet d’être ambulancière. Envoyée près de Metz, elle sillonne les garnisons où règne une atmosphère de fausse tranquillité. Soudain, le 10 mai 1940, les divisions de Panzer, appuyées par les stukas, déferlent sur la France. Le gros des armées alliées, trop enfoncé en Belgique, est prit à contre-pied par la percée des blindés à travers les Ardennes. La débâcle militaire et l’exode civil asphyxient les routes. Virginia est aux premières loges. Elle transporte sans relâche les blessés vers les rares hôpitaux qui fonctionnent encore. Mais, le 25 juin 1940, c’est l’armistice et la défaite totale et humiliante. Virginia est démobilisée fin juillet 1940. Elle se repose à Paris chez une amie mais la présence des allemands, le couvre-feu et les premières arrestations la désespèrent. Elle veut continuer la lutte. Son passeport américain lui laisse une certaine liberté de mouvement, les Etats-Unis n’étant pas en guerre contre l’Allemagne. Elle rejoint l’Espagne dans l’espoir de trouver un moyen de rejoindre l’Angleterre, là où Winston Churchill a refusé toute négociation de paix avec Hitler, là où la bataille dans les airs fait déjà rage. C’est en Espagne qu’elle fait la connaissance de Georges Bellows, un anglais qui se présente comme homme d’affaire mais qui est, en réalité, un membre des services secrets britanniques. Il faut dire que le profil de cette jeune américaine de 34 ans, ancienne secrétaire des ambassades, téméraire et combative, l’intéresse. Il l’oriente et lui conseille de contacter certains de ses amis en Angleterre. Virginia arrive à Londres le 1er septembre 1940 et se rend à l’ambassade américaine pour délivrer de précieux renseignement sur ce qui se passe en France. Cette initiative et ses références passées lui permettent d’être temporairement embauchée à l’ambassade. Londres subit quotidiennement des bombardements. Entre ses journées de travail harassantes et ses nuits passées dans les abris, les moments de détente sont rares. C’est à l’occasion d’un d’eux que son destin va basculer. Recrutée par les services secrets britanniques Le 14 janvier 1941, elle est invitée à diner chez un ami de Georges Bellows, ce britannique rencontré en Espagne. Son hôte est Nicolas Bodington et il inspire immédiatement confiance à Virginia Hall. Journaliste, aimant beaucoup la France et amateur de théâtre, il partage ces points communs avec elle. Virginia lui avoue son désir de retourner en France pour se rendre utile. Il lui propose de l’assister dans son projet en lui facilitant certains contacts. En réalité, ce que ne sait pas Virginia, c’est que Nicolas Bodington est un des dirigeants du Special Opérations Executive (S.O.E.). Cette branche des services secrets britannique a été récemment créée sur décision de Winston Churchill pour, je cite, « mettre le feu à l’Europe » en organisant le sabotage et la subversion dans les territoires occupés par les Allemands. Cependant le recrutement d’agents de terrain est difficile et les contacts avec les premiers noyaux de résistance dans les pays occupés en ce début d’année 1941 sont quasiment inexistants. Même l’entourage du général de Gaulle n’a guère de relais en France (Jean Moulin n’arrivera à Londres qu’en octobre). Il y a en outre une certaine concurrence voire de la méfiance vis-à-vis de cette nouvelle section des services secrets britanniques, mal vue à la fois par les autres branches des services secrets anglais mais aussi par De Gaulle qui y voit un nouvel acteur susceptible d’agir directement sur le territoire français hors de son autorité. Il créera d’ailleurs en réponse le B.C.R.A. (bureau central de renseignement et d’action) sous la direction d’André Dewavrin, alias colonel Passy qui prendra en main la plupart des résistants français arrivant à Londres privant ainsi le S.O.E. de nombreux agents d’origine français. Pour l’heure, Nicolas Bodington, le lendemain de sa rencontre avec Virginia Hall, adresse à son supérieur, responsable de la French section au S.O.E., un rapport élogieux sur cette américaine à la personnalité affirmée, courageuse et parlant couramment le français. Il lui suggère de l’utiliser pour une mission en France occupée après bien sûr s’être renseigné plus en détail sur son passé et ses relations. Virginia est ainsi une des premières candidates repérées pour faire partie des agents de terrain du S.O.E. Ce choix est audacieux car à l’époque, les autres services secrets hésitent à utiliser des femmes pour leurs missions opérationnelles. Le chef des opérations militaires du S.O.E., Colin Gubbins, est lui précurseur. Il pense justement que les femmes peuvent probablement déjouer plus facilement la méfiance de l’ennemi, que leur habilité à transmettre des courriers, à manier des postes radio ou à changer d’allure physique constitue un atout irremplaçable. La procédure de recrutement de Virginia Hall prend plusieurs semaines et au fil des conversations avec Nicolas Bodington, même si son interlocuteur reste vague, Virginia n’est pas dupe et ne voit aucune objection à aider les autorités britanniques d’une manière ou d’une autre dans leur combat contre l’Allemagne nazie. Elle est enthousiaste à l’idée que l’on reconnaisse enfin ses compétence et de retourner en France. Elle sera employée comme agent de liaison et de renseignement en territoire non occupé avec une couverture de journaliste américaine accréditée par le gouvernement de Vichy. Le S.O.E. s’assure la collaboration d’un journal américain, le « New-York Post » qui accepte de jouer le jeu et embauche Virginia Hall. Le S.O.E. effectuera de discrets virements au journal afin de rembourser les frais engagés. Dans l’attente de l’obtention de son visa français par les autorités de Vichy, Virginia est entrainée à subir des interrogatoires dans une pièce sombre, des projecteurs braqués sur elle avec 2 instructeurs, l’un portant un uniforme allemand, l’autre un uniforme de la police française. Elle doit leur répéter inlassablement qu’elle est une journaliste américaine nommée Virginia Hall, qu’elle en train de faire son travail et que celui-ci n’a rien à voir avec une quelconque activité d’espionnage. Les experts en radio lui apprennent des rudiments de communication. Elle apprend les codes et les pseudonymes qu’elle devra utiliser pour l’envoi de ses messages. A cette époque, le S.O.E. n’a encore infiltré en France qu’une poignée d’agents et jamais une femme avec une mission de longue durée. Virginia quitte enfin l’Angleterre le 23 août 1941 et rejoint Vichy via Lisbonne. Elle ne sait pas quand elle reviendra ni même si elle reviendra. Correspondante du « New-York Post » à Vichy Sitôt arrivée à Vichy, Virginia Hall se fait enregistrer sous sa vraie identité à la gendarmerie et au ministère de l’Information comme envoyée spéciale pour le « New-York Post ». Les autorités françaises voient d’un bon œil la présence de journalistes américain accrédités. Le régime du maréchal Pétain a été reconnu par les Etats-Unis et l’ambassadeur américain à Vichy entretient des relations très courtoises avec le Maréchal et son gouvernement. La priorité de Virginia, c’est de faire son métier de journaliste afin d’établir sa couverture. Ainsi dés septembre 1941, elle rédige ses premiers articles et décrit les différents aspects de la vie quotidienne sous le régime de Vichy et l’état réel du pays sous tutelle allemande : - Les pénuries graves que subissent les français avec les cartes de rationnement, les queues interminables devant les boutiques, les carences dans les transports, les vols et le marché noir - Le nouveau statut des juifs promulgué par le gouvernement de Vichy qui leur interdit l’accès à certaines professions et aux universités. - La répression contre les communistes et les arrestations - La formation de la Légion des Volontaires Français contre le Bolchévisme Seuls quelques uns de ses articles et dépêches sont publiés dans le New-York Post, ceux au contenu plus sensible est directement transmis pour analyse par le la direction du journal au S.O.E. La couverture de Virginia est parfaite, elle peut désormais se lancer dans sa véritable mission. Mais la capitale du Maréchal lui semble trop petite. Premières activités à Lyon A partir d’octobre 1941, Virginia Hall s’installe à Lyon. La ville est surpeuplée du fait de l’arrivée de 200 000 réfugiés arrivés récemment de l’Est de la France. Elle prend l’identité de Brigitte Lecontre avec des papiers en règle fournis par le S.O.E. Elle tente d’organiser sa double vie mais cela n’est guère aisé car elle n’a pas d’opérateur radio pour envoyer des messages à Londres, ses articles envoyés au New York Post sous sa véritable identité ne doivent contenir trop de secrets et elle manque de relais sûrs à Lyon dans les milieux de la résistance encore embryonnaires. Par l’intermédiaire d’un aviateur anglais, blessé de guerre, en convalescence à Lyon, William Simpson, Virginia entre en contact avec Germaine Guérin, tenancière d’une maison close. Ce type d’endroit est propice au recueil de confidences en tout genre de la clientèle, officiers allemands, policiers français, industriels et fonctionnaires. Ainsi Germain Guérin est détentrice naturellement d’une mine d’informations. Elle cache en outre dans plusieurs appartements de Lyon des juifs et des prisonniers évadés. En bonne patriote, pas effrayée le moins du monde par le danger, elle se dit prête à aider Virginia à nouer des contacts avec des personnes sûres désireuses de soutenir la cause des alliés face à l’occupant. C’est ainsi que Virginia va faire la connaissance de Jean Rousset, un docteur, ardent gaulliste et qui va devenir son bras droit dans la constitution du réseau de renseignement qu’elle doit mettre en place. Le cabinet du docteur devient ainsi une fausse clinique avec quelques chambres où sont cachés des pilotes ou des agents britanniques de passage. Un autre contact, Robert Leprovost, ancien des services français des renseignements, sera un excellent fournisseur de faux-papiers. Virginia n’est plus isolée. En outre, le vice-consul américain de Lyon, Georges Wittinghill a comprit qu’elle travaillait pour les Britanniques et va l’aider à convoyer des documents vers la Suisse par l’intermédiaire des valises diplomatiques. Sur place, des agents anglais récupèrent les documents. Avec le Docteur Rousset, Virginia va s’immerger durant l’automne 1941 dans les réseaux de résistance qui s’organisent autour des journaux clandestins. C’est à cette époque que Lyon va devenir une plaque tournante de la résistance. Sa situation géographique en zone libre à deux pas de la Suisse est un atout, tout comme sa topographie avec ses escaliers, ruelles et galeries propices aux planques, et ses plaines avoisinantes pour les parachutages. Virginia recrute des courriers, des faussaires, des informateurs, met en place des boites aux lettres clandestines au domicile de volontaires sûrs. Son statut officiel de journaliste lui permet de se déplacer dans toute la zone sud pour y glaner des renseignements, y trouver des relais, des adresses sûres, des caches et des alliés. Le point faible de son organisation c’est qu’elle n’à toujours pas d’opérateur radio ni poste pour communiquer avec Londres. Les agents compétents font cruellement défaut en cet automne 1941. Le S.O.E. ne compte que 2 opérateurs radio en zone libre. Ceci dit, le dispositif du S.O.E. en France monte en puissance et de plus en plus d’agents y sont infiltrés. Virginia aide ceux arrivant en zone sud par les structures clandestines qu’elle a mis en place (planques, fabrique de faux-papiers) et en les mettant en contact avec les réseaux de résistance qu’elle a recensé. Toutefois, il faut rester prudent et méfiant car en octobre 1941, plus d’une douzaine des meilleurs agents infiltrés ont été capturés, leurs contacts et leurs caches dévoilés. L’avertissement est sévère. Le patron du S.O.E. est contraint de démissionner. En novembre, le S.O.E. ne peut plus compter que sur cinq agents en zone libre dont Virginia Hall à Lyon qui sert véritablement de point d’appui. Sa présence est désormais stratégique pour les services secrets britanniques et son ancrage est vital. Un rapport essentiel sur la résistance Le 7 décembre 1941, l’aviation japonaise attaque par surprise la base américaine de Pearl Harbour dans le Pacifique. Le lendemain, les Etats-Unis déclarent la guerre au Japon, suivi par la Grande-Bretagne. Le 11 décembre, l’Allemagne et l’Italie entrent en guerre contre les américains. Ces évènements ont une conséquence immédiate pour Virginia Hall : Son passeport américain ne le protège plus. Elle est désormais considérée comme citoyenne d’un pays ennemi. Elle va donc devoir redoubler de prudence. Cela ne l’inquiète pas et poursuit sa tâche avec témérité. En décembre 1941, grâce à tous ses contacts, elle va rédiger avec un autre agent du S.O.E. infiltrée en zone sud, un état des lieux minutieux de la résistance française et adresser ce document ultrasecret aux services secrets britanniques. Ce rapport rappelle que des embryons de résistance ont pris naissance dés le mois de décembre 1940, que 3 mouvements principaux se sont dégagés : « Libération Sud » dirigé par Emmanuel d’Astier de la Vigerie, soutenu par la C.G.T., proche des anglo-saxons et souhaitant dans un premier temps garder ses distances avec les gaullistes, « Liberté » dirigé par le professeur de droit François de Menthon « Libération nationale » piloté par le capitaine Henri Frenay qui rassemble des adhérents issus du monde militaire et des partis de droite et de centre-droit Les groupements « liberté » et « libération nationale » ont fusionné début novembre donnant naissance au mouvement « combat » sous la houlette d’Henri Fresnay. Le rapport dénonce les problèmes de liaison entre les groupes de résistance et les autorités britanniques et surtout l’absence de suites données aux demandes de soutien financier et logistique. Déçus par les britanniques, les mouvements de résistance risquent de se mettre sous la tutelle des américains qui leur ont proposé leur soutien. Frenay et d’Astier reconnaissent la nécessité d’un accord avec le gaullisme, symbole majeur de la résistance auprès de l’opinion publique mais la France libre ne saurait constituer à elle seule un appui suffisant. En tant qu’agent de liaison à Lyon, Virginia Hall se retrouve au cœur des discussions houleuses entre les principaux chefs de la résistance intérieure, tiraillés entre les tutelles américaine, britannique et gaulliste. L’établissement de son rapport, révélateur du climat de la résistance française à la fin de 1941, a nécessité une grande prudence de sa part, compte tenu des difficultés de communication, de la dispersion des réseaux et de la surveillance policière qui s’intensifie. Le S.O.E. analyse les précieuses informations transmises et envoie en zone sud, début 1942, Peter Churchill, un agent expérimenté chargé d’inspecter les principaux réseaux mis en place, de leur donner de l’argent et des instructions (notamment l’aménagement de pistes d’atterrissage clandestines pour les futurs parachutages de matériel). Cet agent est piloté dans sa mission par Virginia Hall qui constitue le maillon essentiel des réseaux de la zone libre. La plaque tournante du S.O.E. Virginia Hall n’est plus un simple agent de liaison, c’est un pilier des services secrets britanniques en France. Elle a ses entrée partout et connait énormément de monde (ministères, usines, chemins de fer…). Elle délivre quantités d’informations transitant par la Suisse avec l’aide des diplomates américains : les mouvements de régiments allemands, les cibles potentielles pour les futurs sabotages ou bombardements alliés y compris en zone occupée, l’évolution de l’opinion publique française de moins en moins favorable au régime de Vichy. Cette désaffection coïncide avec le retour de Pierre Laval en tant que chef du gouvernement. Celui-ci est en effet favorable à une collaboration plus active avec l’occupant. Toutefois, Virginia Hall juge qu’il y a beaucoup d’apathie et de craintes dans le pays et que le peuple français apparaît toujours résigné. Elle continue d’assurer également un rôle de refuge pour tous les agents de passage à Lyon et les prisonniers évadés à qui elle fournit des planques sûres, des tickets de rationnement, des faux papiers et qu’elle oriente en Espagne vers les filières d’exfiltration pour l’Angleterre. A partir du printemps 1942, son travail va prendre une autre dimension car désormais, les cellules mises en place par le S.O.E. pour aider les mouvements de résistance sont enfin structurées. Elles sont désormais fournis en armes et en opérateurs radio. Il ne s’agit pas encore de réaliser un soulèvement armé contre les Allemands mais de créer un peu partout en zone libre des caches d’armes et de préparer les futurs sabotages. Grâce aux opérateurs radio qu’elle cache à Lyon, Virginia peut enfin directement communiquer avec Londres des informations sur les réseaux et recevoir en retour des instructions sur les parachutages à venir, les agents à accueillir et l’argent à distribuer. Cependant les risques d’être découvert sont grands, tant la traque des radios clandestines par la gestapo, la police française et l’Abwehr, le service de contre espionnage allemand, se perfectionne. A cette époque, Virginia Hall soutient une cinquantaine d’agents du S.O.E. dans leurs activités en zone libre. Au printemps 1942 survient malheureusement une vague d’arrestations dues à l’imprudence de certains agents ou des dénonciations. Virginia est alors en grand danger car les agents arrêtés et torturés connaissent son nom. Elle est en outre en poste depuis plus de 9 mois, ce qui est extrêmement long. Il y a enfin des querelles internes d’autorité car d’autres agents supportent mal la position dominante de Virginia Hall en sa qualité de coordinatrice. Lorsque son nom commence à circuler au sein de la police française, les services secrets britanniques décident de la rapatrier à Londres. Mais Virginia refuse et parvient à convaincre ses supérieurs qu’il ne s’agit là que de fausses rumeurs et qu’elle n’est pas découverte. En outre, en juillet 1942, elle participe directement à la réussite de l’évasion de douze des agents arrêtés, internés au camp de Mauzac en Dordogne. Elle leur fournira le soutien nécessaire pour leur retour en Angleterre. Dès lors, la répression de la police de Vichy va s’intensifier. Piégée par un agent double En août 1942, Virginia Hall fait la connaissance d’un curieux personnage : Robert Alesch alias « l’abbé Jean Ackin » dans la clandestinité. C’est un nouveau courrier, émissaire d’un mouvement de résistance parisien que le S.O.E. a accepté d’aider par l’intermédiaire du réseau mis en place à Lyon par Virginia. En effet, ce groupe de résistants parisiens (dénommé mouvement Gloria et comprenant Germaine Tillon ancienne du groupe du musée de l’homme) connait des difficultés logistiques de communication avec Londres. Le système de messagerie transitant par la Suisse par le biais du consulat américain constitue une alternative fiable. Dès la première rencontre avec Robert Alesch, Virginia est sur la réserve du fait de son fort accent germanique. Il est en fait d’origine alsacienne, affiche des opinions antiallemandes très tranchées et se dit fervent partisan du gaullisme. Peu à peu, au fil des mois, il parvient à gagner la confiance de Virginia, du fait notamment de la qualité des informations qu’il apporte de la zone nord à chacun de ses passages en matière de mouvements de troupes ou des fortifications du mur de l’atlantique. En outre, le S.O.E. a donné le feu vert à Virginia pour aider ces résistants parisiens et leur transférer des fonds par l’intermédiaire de cet abbé. En réalité, Robert Alesch si il est un véritable homme d’église, est aussi un agent double qui s’est infiltré dans les réseaux britanniques pour le compte de l’abwehr qui lui a donné ordre de découvrir les activités d’une certaine miss Hall à Lyon. Le loup est désormais dans la bergerie et en octobre 1942, il a parfaitement rempli sa mission et connait tous les faits et gestes de Virginia Hall et l’organisation qu’elle a mis en place. En ce qui concerne le groupe Gloria à Paris, il a su également gagner la confiance de ses membres et les fait arrêter les uns après les autres dont Germaine Tillon en août 1942 (déportée à Ravensbrück). Les résistants arrêtés ne soupçonnent à aucun moment Robert Alesch de les avoir trahis. Les informations qu’il fait transiter par Lyon semblent tout à fait crédibles, mais sont en fait périmées ou fausses. Virginia Hall est désormais à la merci des Allemands qui pour l’heure continuent de l’utiliser pour recueillir des informations mais qu’ils n’hésiteront pas à arrêter dès qu’ils n’en auront plus besoin. Fuite vers les Pyrénées Les arrestations se multiplient en zone libre, exposant chaque jour un peu plus Virginia Hall qui, de surcroît se démène pour tenter de faire évader et exfiltrer des agents. Elle change plusieurs fois de pseudonyme (germaine, Marie, Philomène) pour les messages qu’elle envoie à Londres. Elle déménage de son appartement devenu un véritable carrefour où les agents, les courriers et les résistants viennent fréquemment lui rendre visite. Fin septembre 1942, sentant l’étau se resserrer autour d’elle, elle envisage sérieusement son retour en Angleterre. Mais le temps passe, la gestapo accroit son emprise sur la police française qui lui apparaît à plusieurs reprises trop bienveillante envers les résistants. En mai, des accords secrets ont été passés entre la gestapo, le gouvernement de Pierre Laval et son secrétaire général pour la Police, René Bousquet afin de permettre aux Allemands de pourchasser les agents anglo-saxons et de détecter les émissions radio clandestines en zone non occupée. Dès lors de nombreuses camionnettes vert de gris équipées de matériel de détection sillonnent Lyon en cet automne 1942. Les opérateurs radio tombent les uns après les autres. Fin octobre, Virginia apprend par le consulat américain l’imminence du débarquement allié en Afrique du Nord. C’est le signal de son départ immédiat car elle sait aussi que les allemands terminent leurs préparatifs pour l’envahissement de la zone libre. Elle détruit tous les documents compromettants et donne à un autre responsable de réseau qu’elle désigne comme son successeur les fonds en sa possession, les documents utiles et les consignes. Elle quitte Lyon pour Perpignan le 8 novembre 1942. Ce n’est que le 19 janvier 1943 qu’elle parviendra à rallier Londres après un périple éprouvant à travers les Pyrénées qu’elle a traversé à pied et dans le froid, ce qui représente un exploit physique compte tenu de son handicap. Elle sera même arrêtée avec d’autres réfugiés par une patrouille de la garde civile franquiste près de Barcelone pour avoir franchi clandestinement la frontière et emprisonnée avant d’être libérée sur intervention des diplomates américains que Franco souhaite ménager. Les retrouvailles à Londres avec les responsables du S.O.E. sont bien sûr très chaleureuses. La mission de Virginia Hall est un succès. Elle a prouvé qu’une femme, fût-elle partiellement handicapée, pouvait assurer ce travail dangereux d’agent de liaison. Elle a réalisé la plus longue mission de tous les agents en territoire ennemi. Virginia est cependant très inquiète pour ses compagnons restés sur place à Lyon, ville désormais sous le joug allemand. Elle n’a qu’un désir, repartir au plus vite. Lyon, entre les griffes de la gestapo Les craintes de Virginia sont fondées. A Lyon, le piège se referme implacablement sur ceux qui l’ont aidé. Après l’invasion de la zone libre, le nouvel homme fort de la gestapo à Lyon est Klaus Barbie. Réputé pour ses arrestations massives et ses interrogatoires brutaux, il déclare dés son arrivée qu’il « donnerait n’importe quoi pour mettre la main sur cette garce américaine ». Sans qu’elle le sache, Virginia Hall figure en tête de liste des personnes recherchées. L’ordre suivant circule : « la femme qui boite est l’un des agents alliés les plus dangereux en France. Il faut la trouver et la détruire ». Sa fuite en urgence, le soir du 8 novembre 1942, l’a assurément sauvé des griffes de celui qu’on appelle désormais le « boucher de Lyon ». La plupart des amis de Virginia n’auront pas sa chance. Son bras droit, le docteur Jean Rousset est arrêté le 13 novembre 1942. Le 8 janvier 1943, c’est au tour de Germaine Guérin, la tenancière de maison close, qui hébergeait de nombreux agents en transit. A plusieurs reprises, le successeur de Virginia Hall, Robert Burdet, échappe à l’arrestation et finit lui aussi par regagner l’Angleterre. Malgré cela et devant le constat que l’espionne américaine reste introuvable, la gestapo ne lâche pas prise et l’hécatombe se poursuit au sein de l’édifice mis en place par Virginia Hall : opérateurs-radio, courriers, boites aux lettres, planque d’armes, logements clandestins sont arrêtés et démantelés. Seule la rivalité entre les services de l’Abwehr et la gestapo et le non recoupement d’informations qui en découle, permet à plusieurs d’en réchapper en ce terrible début d’année 1943 qui verra en apothéose l’arrestation de Jean Moulin à Caluire le 21 juin 1943. Virginia, de Londres à Madrid, l’impatience Depuis son arrivée à Londres, Virginia est soumise au minutieux et éreintant travail de débriefing des services secrets britanniques. En premier lieu, elle fournit des détails sur les personnes avec qui elle a travaillé, celles sur qui on peut compter et celles qu’il faut éviter. Ensuite elle évoque les problèmes logistiques rencontrés par les agents en mission et fait le bilan des sabotages mis en œuvre. L’un des ultimes sujets abordés est le cas de l’abbé Robert Alesch. Plusieurs détails finissent par convaincre les responsables du S.O.E. de sa qualité d’agent double : La trop bonne qualité des informations qu’il transmet Les sommes d’argent toujours plus importante qu’il réclame Et surtout le nombre d’arrestations observées dans les réseaux de résistance qu’il fréquente. Au printemps 1943, ses supérieurs affectent Virginia à Madrid car en France où elle souhaite retourner, elle serait trop exposée compte tenu de ses activités passées et des recherches actives de la Gestapo à son sujet. Arrivée à Madrid en mai 1943, Virginia Hall reprend sa couverture de journaliste américaine, cette fois-ci pour le compte du Chicago Times. Elle n’a plus la même autonomie dont elle disposait en France, étant sous les ordres du responsable du S.O.E. en poste à l’ambassade de Grande-Bretagne. Elle assure le suivi logistique des agents arrivant en Espagne. Ce travail ne lui convient pas, elle s’ennuie, même si elle apprend que le roi Georges VI vient de la décorer comme membre de l’ordre de l’Empire britannique pour services rendus à la couronne lors de sa mission en France. Elle a besoin d’action et demande rapidement à retourner en Angleterre pour suivre des cours d’opérateur-radio, espérant ainsi être renvoyée en territoire occupé. A la fin de novembre 1943, la voici de nouveau à Londres en qualité d’officier de briefing pour les agents partant en mission et en janvier 1944, elle suit les apprentissages d’opérateur-radio : morse, technique d’émission et de réception, encodage et décryptage n’ont plus de secrets pour elle. Mais voyant que le S.O.E. continue de ne lui confier que des tâches administratives sans grand intérêt, elle décide d’aller frapper à la porte de l’O.S.S. (Office of Strategic Service), les services secrets américains (ancêtre de la C.I.A.). Son plus grand souhait est en effet de retourner en France pour participer aux préparatifs du débarquement. Diane, agent de l’O.S.S. pour le jour J Pour les responsables de l'O.S.S. basés à Londres, l'offre de service de Virginia Hall est du pain béni : c'est une recrue de choix, avec son expérience dans le renseignement, sa connaissance de la France, son profil atypique et ses compétences d'opératrice radio. Le S.O.E. Ne s'oppose pas à son recrutement par les américains d'autant plus que les services secrets britanniques et américains se retrouvent regroupés en janvier 1944 au sein d'un quartier général des forces spéciales qui a pour objectif d'infiltrer en France de petites cellules composées d'un organisateur et d'un opérateur radio chargées de prendre contact avec la résistance intérieure pour préparer le débarquement, former les maquisards, parachuter des armes et multiplier les sabotages. Ainsi, le 10 mars 1944, Virginia Hall signe son engagement avec les forces spéciales de l'O.S.S. Et le 21 mars, elle arrive en France sous le nom de code de Diane en binôme avec un autre agent surnommé Aramis. Elle fait ainsi parti du cercle restreint des 187 agents alliés infiltrés pour préparer le jour J. Son apparence physique a été modifiée pour échapper à la curiosité de la Gestapo qui connaît son signalement. Elle a les cheveux grisonnant et elle masque parfaitement sa claudication. Elle dispose de faux papiers au nom de Marcelle Montagne. Prenant contact avec les maquisards, elle identifie leurs besoins, envoie des messages à Londres et se déplace de caches en caches pour ne pas être repérée. D'avril à août 1944, Virginia va ainsi aider les F.F.I. (forces françaises de l'intérieur, regroupement des mouvements de résistance) en assurant l'organisation de nombreux parachutages d'armes, de médicaments, d’argent et de matériels qu’elle se charge de répartir entre les maquis de la Creuse, de la Nièvre et du Cher. Elle assure également à la demande de l’O.S.S. sa plus importante mission de soutien pour les 1 500 FFI du maquis de Chambon sur Lignon en Haute-Loire en qualité d’opérateur radio. Elle n’a de cesse de multiplier les émissions radio vers Londres, codant et décodant les messages des nuits entière parfois, changeant constamment de lieu d’émission pour ne pas être repérée. Sur le terrain, elle guide les avions en approche de largage grâce à un petit émetteur, pestant et jurant lorsqu’un avion manque sa cible. Elle commandite les sabotages et adresse des comptes-rendus à Londres après chaque embuscade, chaque explosion de pont ou déraillement de train réussi. Certaines fois les relations avec les chefs FFI sont tendues car ils supportent difficilement d’être commandés par un agent anglo-saxon qui plus est une femme. Ces anicroches qui restent heureusement anecdotiques reflète les divergences de stratégies entre alliés : les états-majors britanniques et américains souhaitent imposer aux territoires libérés une administration militaire afin d’éviter une emprise gaulliste trop forte et une mainmise communiste en France. Le but des FFI est bien de libérer par eux-mêmes le territoire, permettant à la France de recouvrer sa pleine souveraineté, sous l’autorité du général de Gaulle, sans aucune tutelle étrangère. Cependant Virginia Hall contribue bien par son activité en cet été 1944 à l'insurrection du pays contre l'occupant et aux actions armées contre les renforts allemands se dirigeant vers la Normandie pour contrer les alliés fraichement débarqués. Voici quelques témoignages de résistants l’ayant côtoyé pendant cette période : « Le visage de Diane respirait l’énergie, le courage et le charme. Mais elle pouvait aussi être impressionnante et cassante » ; « Diane n’était pas toujours facile à vivre, mais j’en garde le souvenir d’une femme extraordinaire » ou encore « Seule l’intervention de Diane a permis d’armer correctement nos formations et, par voie de conséquence, la rapide libération du département ». Paul, un ami tombé du ciel En septembre 1944, deux agents de l’OSS sont parachutés pour prendre contact avec Virginia. Il s’agit de deux lieutenants, l’un américain, l’autre français, Paul Goillot. En leur qualité d’instructeur d’armes, ils sont chargés de former les maquisards au maniement des armes. Une bonne partie du territoire français étant peu à peu libérée, Virginia sent la tension retomber et la guerre s’éloigner pour la première fois depuis de longues années. Ce climat de libération est propice au rapprochement des cœurs et elle se sent, au fil des jours, plus proche de ce lieutenant français, Paul Goillot qui a une double culture franco-américaine. Il deviendra son ami et plus tard son mari (en 1957). Fin septembre 1944, Virginia est de retour à Londres pour faire le compte rendu de sa mission conduite du 21 mars au 25 septembre. En octobre, elle fait part de son désir de retourner en zone de combat. Elle est alors pressentie par les services secrets américains pour une mission en Autriche avec son compagnon, Paul Goillot, pour aider les résistants autrichiens et éviter la constitution d’un bastion nazi dans le Tyrol. Toutefois, les préparatifs de cette mission s’éternisent et la capitulation de l’Allemagne nazie, le 8 mai 1945, met naturellement fin aux opérations d’infiltration. La traque d’un traitre Alors qu’elle est à Paris, une fois la paix revenue, Virginia reçoit un télégramme de Washington lui apprenant que les plus hautes autorités américaines ont décidé de lui accordé la Distinguished Service Cross au vu de son « extraordinaire héroïsme en relation avec les opérations militaires contre l’ennemi. Le directeur de l’OSS, William Donovan, souhaite que cette prestigieuse distinction lui soit personnellement remise par le Président Truman. Toutefois, Virginia Hall met en avant le fait qu’elle est toujours en service pour les services secrets et qu’elle ne souhaite donc pas être sous le feu de l’actualité pour ne pas compromettre une future opération. C’est donc dans la plus grande discrétion que le directeur Donovan lui remettra sa décoration dans son bureau le 27 septembre 1945. Mais pour l’heure, en juin 1945, Virginia a bien d’autres idées en tête car pour elle, son combat en France n’est pas tout à fait terminé. Elle souhaite retrouver ses anciens compagnons de Lyon, arrêtés et pour certains revenus de l’enfer des camps de concentration. Il y aussi un visage qui ne cesse de la hanter tel un fantôme, celui de l’abbé Robert Alesch, l’agent double infiltré dans son réseau lyonnais qui a, elle en est convaincue, provoqué l’arrestation de ses amis. Elle parvient à retrouver la plupart des survivants : Germaine Guérin, la patronne de maison close et Germaine Tillon du réseau Gloria, toutes deux rescapées de Ravensbrück, le dr Jean Rousset, rapatrié très affaibli du camp de Buchenwald et nombre d’autres résistants arrêtés sans doute à cause de l’abbé Alesch. Virginia collecte et consigne méthodiquement leurs témoignages sur les conditions de leurs arrestations en 1942 et 1943. Elle croise et recoupe les informations et rédige un rapport à destination des services secrets américains qui prouve définitivement que l’abbé Alesch est bien un traitre. C’est le 2 juillet 1945 que les américains parviennent à l’arrêter. Il s’était réfugié en Belgique se sachant recherché par les alliés et la justice française. Le 6 août 1945, il est remis à la police judiciaire parisienne. Le rapport de Virginia, parmi d’autres témoignages, constitue un élément à charge qui sera une pièce déterminante dans l’issue du procès de l’abbé qui sera finalement condamné à mort et fusillé le 25 janvier 1949. Au service de la C.I.A. pendant la guerre froide Virginia n'a pas assisté au procès de celui qu'elle a contribué à faire condamner. Elle veut en effet conserver son anonymat d'agent secret car en 1948, elle est en mission en Italie pour le compte de la toute nouvelle C.I.A. (central intelligence agency). Mon propos n'est pas de détailler ici les activités de Virginia pour le compte de la C.I.A. Sachez simplement que pendant cette période, elle est au cœur des secrets les mieux gardés et parfois les moins avouables de la guerre froide. Elle coordonne plusieurs opérations sensibles visant à contrer l'influence communiste en Asie, en Europe et en Amérique du sud. En 1966, l'âge de la retraite a sonné et elle se retire avec son mari Paul Goillot dans une demeure rurale dans la banlieue de Washington. Elle tombe peu à peu dans l'oubli et devient une vieille dame grisonnante, affable et bonne vivante. Plus rien ne transparaît de son passé, de ses aventures et de ses noms de code. Au début des années 80, sa santé se détériore. Elle souffre de problèmes respiratoires et cardiaques. Le 8 juillet 1982, Virginia Goillot décède à l'âge de 76 ans. Quelques journaux retracent succinctement son passé d'«héroïne de la seconde guerre mondiale »puis elle retombe dans l'oubli. Jusqu'au bout, Elle a écarté les questions portant sur son itinéraire et sur ses missions. A ceux qui l'interrogeaient sur son passé, elle se contentait de répondre gravement « Beaucoup de mes amis ont été tués pour avoir trop parlé ». En guise de conclusion : A un résistant français, Hubert Petiet, qui lui disait souhaiter que la France lui décerne une légion d’honneur, Virginia Hall répondit « je ne veux pas entendre parler de ce que j’ai fait. Tout ce que j’ai fait, c’est pour l’amour de la France, ma seconde Patrie ». Fin 2006, Jacques Chirac, Président de la République, honore sa mémoire en déclarant : « Virginia Hall est un véritable héros de la résistance française. Sa bravoure indomptable, son abnégation exceptionnelle, sa détermination inflexible et ses qualités de chef et d’organisatrice ont grandement contribué à la libération de la France ».
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